Apprendre à apprendre, le MOOC

Quoi de mieux pour tester ce que l’on vient d’apprendre que de le partager ? Vous trouverez ce conseil dans le MOOC Learning to learn proposé par Barbara Oakley et Terrence Sejnowsky.

En effet, quand on partage nos connaissances, on voit tout de suite quelles notions l’on explique le moins bien, et qui sont donc à revoir. Je vais donc vous résumer ici ce que j’ai vu et entendu dans ce MOOC, qui dès la première semaine m’a complètement passionné. J’espère ne pas tomber dans un travers évoqué dans le cours, celui de l’illusion de la connaissance, sentiment que l’on peut avoir après avoir lu un article, vu une solution à un problème, mais où l’on n’a pas acquis de réelle compréhension et encore moins d’expertise sur le sujet. À peine débutant sur le sujet, je vais donc simplement vous brosser un aperçu de ce MOOC.

Il dure 4 semaines, pendant lesquelles il vous faudra prévoir entre 3 à 5 heures de travail pour chacune, mais dont la matière extraite vous accompagnera pour toute une vie. Je l’ai suivi en anglais mais des sous titres en français sont disponibles et de bonne qualité. Arrivé à la fin, je me suis même aperçu qu’il existait une version complétement en français.

Mémoire et modes de pensées

Le cours débute par les concepts de mémoire et des deux modes de pensée, concepts clés utilisés tout au long du cours.

La mémoire est de deux types. La mémoire de travail qui ne peut traiter que quatre informations à la fois (en général, et non sept comme on l’a longtemps cru). Elle accueille tout ce qui est nouveau. C’est à travers un ensemble de pratiques (décrites plus loin) que le transfert vers la mémoire à long terme s’effectuera. Cette dernière est comme un grand entrepôt.

On commence par faire rentrer ce que l’on apprend dans la mémoire de travail dans le mode dit focus. On analyse séquentiellement les problèmes, on est concentré. A contrario, dans le mode diffus on laisse notre esprit vagabonder. C’est le royaume de l’intuition, d’où émerge les idées nouvelles, mais qu’il faudra regarder avec l’œil du mode focus, car tout ce qui vient du mode diffus n’est pas valable.

insister.png Crédits : Gioele Fazzeri

Avez-vous déjà eu la sensation de trop insister sur un problème, de sentir que vous rencontrez un mur, qu’il faudrait certainement arrêter et prendre l’air au lieu de continuer à vous acharner ? Cela m’est arrivé de nombreuses fois, et peut encore m’arriver, mais ça ne mène à rien en général, c’est même plutôt contre-productif. C’est pourquoi nous avons besoin d’alterner les deux modes de pensées. Et quand nous sommes coincés, c’est le moment de faire une pause. Vous pouvez aller dormir, le sommeil est fondamental dans l’apprentissage, mais au bureau ce n’est pas encore une pratique très répandue.

C’est là que la technique du pomodoro pourra vous être utile. En résumé, vous alternez des phases en mode focus pendant 25min et vous faites une pause de 5min. Et tous les 4 cycles vous faites une pause longue (25min). Ce n’est pas toujours évident de respecter ces alternances, nous sommes menacés de toute part par des sollicitations, que ce soit un collègue qui a une question, un mail, mais aussi un SMS personnel. Il est donc important de se mettre dans une bulle pendant ces 25min, avec un casque, en coupant les notifications. Et il est tout aussi important de bien respecter les pauses, les courtes comme les longues. C’est une discipline personnelle et il m’arrive encore trop souvent de ne pas le respecter, par impatience, incapacité à me poser.

Si on est dans le forçage, on ne pourra pas faire les connexions nécessaires, et on ne renforcera pas les chunks.

Chunk ?

C’est un concept qui est introduit dans le cours et qui est très abstrait. D’ailleurs dans mes notes je ne l’ai pas traduit, signe d’une certaine difficulté à bien appréhender cette notion. Je vous résume simplement le sens que j’ai compris : un ensemble d’informations reliées par leur usage ou leur signification. Certains moments du cours ont été pour moi un peu plus ardus. Et ce sont des efforts inévitables quand on est confrontés à des nouveaux concepts abstraits, il y a une forte charge cognitive. Mais à force on relie ces informations entre elles, on leur donne du contexte et elles finissent par avoir du sens, comme un puzzle. Et le cours aide bien à construire ce puzzle de l’apprentissage, c’est avant tout un cours très pédagogique qui reste plutôt simple à suivre.

Et pour nous aider à assembler les pièces on pourra utiliser directement les techniques présentées dans le MOOC.

Techniques

La technique qui est mise le plus en avant est le recall. C’est simple : plutôt que de lire et relire ses notes, on cherche à se rappeler ce que l’on vient d’apprendre, et si possible dans un autre lieu. On cherche à bien comprendre les notions de base avant d’avancer vers des notions plus avancées. C’est plus puissant que de faire des mindmaps, même si ce n’est pas inutile d’en faire. Mais faire ces exercices très tôt après un apprentissage est une discipline qui aura beaucoup d’impacts.

On pourra par la suite ancrer cela avec de la répétition espacée, une technique aussi très efficace qui permet de s’autotester régulièrement sans risquer la surcharge, et qui permet de répartir intelligemment les révisions en fonction de nos réponses, bonnes ou mauvaises. Pour cela j’utilise personnellement Anki depuis quelques temps, et je trouve cet outil très pratique (il existe sur mobile et en version desktop). Si vous ne connaissez pas cette technique je vous invite à consulter le super exposé de Nicky Case, très didactique, ou vous pourrez aussi découvrir comment mettre en place cette technique sans logiciel. Le cours propose d’ailleurs aussi des articles (optionnels), mais qui permettent d’avoir des informations complémentaires très intéressantes (par exemple cet article de John Dunlosky). Ils font partie de sections optionnelles qui permettent d’aller plus loin et qui comportent aussi des témoignages plus légers que le contenu du cours mais néanmoins intéressant, comme par exemple celui d’une écrivaine qui partage quelques techniques d’écriture.

Le but n’étant pas de faire un tour exhaustif du MOOC mais plutôt de brosser un aperçu je vais m’arrêter là sur les techniques qui peuvent aider dans l’apprentissage. Mais le MOOC en aborde d’autres, comme l’entrelacement, la visualisation

Arrivé ici, vous vous dites peut-être que ce MOOC est fait pour vous, mais allez-vous vraiment franchir le pas ? Ce n’est pas toujours simple de savoir comment investir son précieux temps.

Procrastination

Là vous guette la procrastination, fidèle compagne qui nous pousse à remettre à plus tard ce qui parfois devrait être fait dès maintenant. Mais pourquoi procrastine-t-on ?

Le cours aborde aussi ce sujet. Et si au début je n’étais pas trop emballé à l’idée d’avoir une section complète lui étant consacrée, j’ai fini par être conquis. Déjà, savoir que le sentiment d’inconfort que l’on a parfois, même sur des tâches dans des domaines qui nous plaisent, est normal, j’ai trouvé cela rassurant (ce sont les zones de la douleur qui s’activent dans le cerveau !). Cette appréhension disparaît assez vite, et pour plonger plus facilement dans une tâche il faut mettre son attention sur le processus et non sur le résultat attendu.

On va s’aider (encore) de la technique du pomodoro.

Aussi, on a tout intérêt à bien organiser ses tâches, en notant la veille au soir les tâches du lendemain et aussi une fois par semaine toutes les tâches de la semaine. En notant ses tâches, on libère de la place dans notre mémoire de travail (qui n’en a que 4 rappelez-vous). De même, mettre en place des rituels va nous aider à ancrer des bonnes habitudes. Un étudiant ira par exemple à la bibliothèque, lieu où il aura moins de distractions. On commencera sa journée par les tâches qui nous gênent le plus, “eat your frog early on”.

Ces différentes techniques sont applicables dans beaucoup (tous ?) les domaines, scientifiques ou artistiques. Étant développeur et aussi auteur de jeux, je pense qu’elles auront globalement un impact sur ma façon de travailler.

Créativité

créativité Crédits : Simon Stålenhag

Comme on l’a vu, il ne sert à rien de forcer trop longtemps quand on bloque, par exemple, sur un problème de mécanique dans un jeu. Il faut laisser le mode diffus faire son travail. Bien souvent la solution émergera par elle-même, sous la douche, ou après une bonne nuit de sommeil.

J’aime aussi le concept de transfert : des connaissances d’un domaine alimentent les autres. Pour moi c’est très important dans la création ludique.

Les changement de paradigmes ont été apportés par des jeunes ou par des personnes étrangères à une discipline (Thomas S. Kuhn).

Rien n’apparaît de nulle part, une idée vient d’associations de concepts qui à un moment se relient les uns les autres grâce au mode diffus. C’est la curiosité et la pratique qui feront émerger les idées. Cela est exprimé dans le cours sous la forme de la Loi de la sérendipité : « Dame chance favorise ceux qui essaient ».

Et saviez-vous que les personnes les plus créatives sont en général plus ouvertes mais aussi plus désagréables ? En effet, elles sont plus souvent dans l’opposition, plus prompte à être en désaccord et donc à sortir des sentiers battus. Ce point n’est pas tellement développé, mais je l’ai trouvé intrigant. Personnellement j’aime penser que l’on peut exprimer son désaccord tout en restant agréable. Cependant j’imagine que la perception par les autres peut être parfois négative, quelque soit la forme. Comme le dit Thomas d’Ansembourg, “désaccord n’est pas désamour”.

Enfin, n’oubliez pas de vous féliciter quand vous réussissez une tâche, et même célébrer vos réussites. Cela vous aidera à ancrer les bonnes habitudes.

Je me félicite donc d’avoir écrit cet article qui touche à sa fin ! Peut-être saurez-vous si ce MOOC est fait pour vous ?

Un grand merci à Christophe pour sa relecture.